CHAPITRE 13 - L’Océan au bout du chemin - nosoratan'i Neil Gaiman - MAMAKY BOKY

Lorsque Lettie est arrivée, la véritable Lettie, cette fois, elle transportait un seau d’eau. Il devait être lourd, à en juger par sa façon de le soulever. Elle a enjambé l’endroit où devait se trouver le bord du cercle dans l’herbe et elle est venue droit vers moi.
« Pardon, a-t-elle dit. Ça a pris beaucoup plus longtemps que je m’y attendais. Il voulait pas coopérer, en plus, et finalement ça a pris Mémé et moi pour y parvenir, et c’est elle qui a fait le plus gros du travail. Il pouvait pas s’opposer à elle, mais il a pas aidé, et c’est pas facile de…
— Mais quoi ? ai-je demandé. De quoi tu parles ? »
Elle a posé le seau en métal sur l’herbe à côté de moi sans en renverser une goutte. « De l’océan, a-t-elle dit. Il voulait pas venir. Il a donné tellement de mal à Mémé qu’elle a dit qu’elle allait devoir aller faire un somme, ensuite. Mais on a quand même réussi à le mettre dans le seau, en fin de compte. »
L’eau dans le seau luisait, émettant une lueur bleu-vert. Je distinguais à sa lumière le visage de Lettie. Je voyais les vagues et les rides à la surface de l’eau, je les regardais monter et s’écraser contre le bord du seau.
« Je comprends pas.
— Je pouvais pas t’amener jusqu’à l’océan, a-t-elle répondu. Mais rien m’empêchait d’amener l’océan jusqu’à toi.
— J’ai faim, Lettie. Et ça me plaît pas, tout ça.
— Maman a préparé à manger. Mais il va falloir que tu supportes ta faim encore un petit moment. Tu as eu peur, ici, tout seul ?
— Oui.
— Est-ce qu’elles ont essayé de te faire sortir du cercle ?
— Oui. »
Elle a pris mes mains dans les siennes et les a pressées. « Mais tu es resté où tu devais être, et tu les as pas écoutées. Bien joué. C’est du beau travail, ça. » Et elle paraissait fière. À cet instant, j’ai oublié ma faim, j’ai oublié ma peur.
« Et maintenant, qu’est-ce que je fais ? lui ai-je demandé.
— Maintenant, tu entres dans le seau. Pas la peine de retirer tes chaussures, ni rien. Entre, c’est tout. »
Sa requête ne m’a même pas paru bizarre. Elle m’a lâché une main, tenant toujours l’autre. J’ai pensé : Jamais je ne te lâcherai ta main, sauf si tu me le demandes. J’ai plongé un pied dans l’eau miroitante du seau, élevant son niveau presque jusqu’au bord. Mon pied reposait sur le fond en zinc du seau. L’eau était fraîche à mon pied, pas froide. J’ai introduit l’autre pied dans l’eau et j’ai coulé avec lui, coulé comme une statue de marbre, et les vagues de l’océan de Lettie Hempstock se sont refermées au-dessus de ma tête.
J’ai ressenti le même choc que vous éprouveriez si vous aviez reculé sans regarder et que vous ayez basculé dans une piscine. J’ai fermé les yeux sous la piqûre de l’eau et je les ai tenus étroitement clos, très étroitement.
Je ne savais pas nager. Je ne savais pas où je me trouvais, ni ce qui ne passait, mais, même sous l’eau, j’ai senti que Lettie me tenait toujours la main.
Je retenais mon souffle.
Je l’ai retenu jusqu’à ce que je ne puisse plus le faire, puis j’ai laissé l’air s’échapper dans un flot de bulles et j’ai aspiré une goulée, m’attendant à étouffer, à m’étrangler, à mourir.
Je ne me suis pas étouffé. J’ai senti la froideur de l’eau – si c’en était vraiment – se déverser dans mon nez et ma gorge, je l’ai sentie me remplir les poumons, mais elle s’est bornée à cela. Elle ne m’a fait aucun mal.
J’ai pensé : C’est une sorte d’eau qu’on peut respirer. J’ai pensé : Peut-être qu’il y a un secret, pour respirer dans l’eau, quelque chose de tellement simple que tout le monde en serait capable, si on savait. Voilà ce que j’ai pensé.
Voilà ce que j’ai pensé en premier.
Ce que j’ai pensé ensuite, c’est que je savais tout. L’océan de Lettie Hempstock coulait en moi, et il emplissait l’univers entier, d’Œuf en Rose. Cela, je le savais. Je savais ce qu’était Œuf – où l’univers a commencé, au son de voix incréées qui chantaient dans le néant – et je savais où se trouvait Rose – le froncement particulier de l’espace sur l’espace dans des dimensions qui se replient comme de l’origami et s’épanouissent comme d’étranges orchidées, et qui marquerait l’ultime bon moment avant l’inéluctable fin de tout et le prochain Big Bang qui, je le savais à présent, ne serait rien de tel.
J’ai su que la vieille Mme Hempstock serait présente pour celui-là, comme elle l’avait été pour le dernier.
J’ai vu le monde que j’avais parcouru depuis ma naissance et j’ai compris combien il était fragile, que la réalité que je connaissais était une fine couche de glaçage sur un grand gâteau d’anniversaire ténébreux qui grouillait d’asticots, de cauchemars et de faims. J’ai vu le monde par en haut et par en bas. J’ai vu qu’existaient des schémas directeurs, des portes et des chemins au-delà du réel. J’ai vu toutes ces choses et je les ai comprises, et elles m’ont empli, exactement comme les eaux de l’océan m’emplissaient.
Tout chuchotait à l’intérieur de moi. Tout dialoguait avec tout, et je savais tout.
J’ai ouvert les yeux, curieux d’apprendre ce que je verrais dans le monde à l’extérieur de moi, si ce serait comparable au monde à l’intérieur.
J’étais suspendu sous l’eau, dans les profondeurs.
J’ai baissé les yeux et le monde bleu au-dessous de moi se prolongeait vers les ténèbres. Je les ai levés, et le monde au-dessus en faisait de même. Rien ne m’entraînait plus profond, rien ne me forçait vers la surface.
J’ai tourné la tête, un peu, pour la regarder, parce qu’elle me tenait toujours par la main, jamais elle ne m’a lâché la main, et j’ai vu Lettie Hempstock.
Au début, je ne pense pas que j’ai su ce que je voyais. Ça n’avait aucun sens pour moi. Alors qu’Ursula Monkton avait été composée d’une étoffe grise qui claquait, battait et enflait dans les vents d’orage, Lettie Hempstock était formée de pans de soie couleur de glace, garnis de minuscules flammes de bougie qui clignotaient, cent fois cent flammes de bougie.
Pouvait-il exister des flammes de chandelles qui brûlaient sous l’eau ? Absolument. Je savais cela, quand j’étais dans l’océan, et je savais même comment. Je le comprenais, tout comme je comprenais la Matière noire, ce tissu de l’univers qui constitue tout ce qui doit se trouver là, mais que nous n’arrivons pas à localiser. Je me suis surpris à considérer un océan qui court sous la totalité de l’univers, comme l’eau de mer obscure qui clapote entre les lattes de bois d’un vieux ponton : un océan qui s’étire d’une éternité à l’autre et demeure encore assez petit pour loger dans un seau, si vous avez la vieille Mme Hempstock pour vous aider à l’y faire entrer, et si vous demandez poliment.
Lettie Hempstock ressemblait à de la soie pâle et des flammes de bougie. Je me suis demandé quel aspect j’avais pour elle, en ce lieu, et j’ai su que, même en un endroit qui n’était que connaissance, c’était la seule chose que je ne pouvais pas connaître. Qu’en regardant vers l’intérieur je ne verrais que des miroirs à l’infini, qui plongeaient leur regard en moi pour l’éternité.
La soie garnie de flammes a alors bougé, un genre de mouvement lent, gracieux, sous-marin. Le courant l’a entraînée, et elle a eu à présent des bras, et la main qui n’avait jamais lâché la mienne, et un corps, un visage taché de son qui était familier, et elle a ouvert la bouche et, avec la voix de Lettie Hempstock, elle a déclaré : « Je regrette vraiment.
— Pourquoi ? »
Elle n’a pas répondu. Les courants de l’océan entraînaient mes cheveux et mes vêtements comme des brises d’été. Je n’avais plus froid et je savais tout, je n’avais pas faim et tout ce monde immense et compliqué était simple, intelligible et aisé à déverrouiller. J’allais demeurer ici tout le reste du temps, dans l’océan qui était l’univers qui était l’âme qui était tout ce qui importait. J’allais demeurer ici à jamais.
« Tu peux pas, m’a dit Lettie. Ça te détruirait. »
J’ai ouvert la bouche pour lui dire que rien ne pouvait me tuer, pas maintenant, mais elle a repris : « Pas te tuer. Te détruire. Te dissoudre. Ici, tu mourrais pas, rien meurt jamais ici, mais si tu restais trop longtemps, au bout d’un moment un petit peu de toi existerait partout, complètement dispersé. Et c’est pas une bonne chose. Jamais assez de toi assemblé en un seul point, si bien qu’il resterait rien qui puisse se considérer comme un “je”. Plus aucun point de vue, parce que tu serais une séquence infinie de vues et de points… »
J’allais la contredire. Elle avait tort, obligatoirement : j’adorais ce lieu, cet état, cette sensation, et jamais je ne le quitterais.
Et puis, ma tête a crevé la surface et j’ai cligné des yeux, toussé, et j’étais debout, enfoncé jusqu’aux cuisses dans la mare derrière la ferme Hempstock, et Lettie Hempstock était debout à côté de moi, me tenant la main.
J’ai toussé de nouveau, et j’ai eu la sensation que l’eau s’enfuyait de mon nez, de ma gorge, de mes poumons. J’ai happé de l’air pur dans ma poitrine, au clair de l’énorme pleine lune des moissons qui brillait sur le toit de tuiles rouges des Hempstock et, l’espace d’un instant final, parfait, je savais encore tout : je me souviens que je savais comment s’arranger pour que la lune soit pleine quand vous en aviez besoin, et qu’elle brille juste à l’arrière de la maison, chaque nuit.
Je savais tout, mais Lettie Hempstock me hissait hors de la mare.
Je portais toujours les bizarres habits démodés qu’on m’avait donnés ce matin-là et, en sortant de la mare pour grimper sur l’herbe qui la bordait, j’ai découvert qu’à présent mes vêtements et ma peau étaient parfaitement secs. L’océan avait réintégré la mare, et le seul savoir qui me restait, comme si je m’éveillais d’un rêve par un jour d’été, était que, il y avait peu de temps encore, j’avais tout su.
J’ai regardé Lettie au clair de lune. « C’est comme ça que c’est, pour toi ?
— Comme ça qu’est quoi, pour moi ?
— Est-ce que tu sais encore tout, tout le temps ? »
Elle a secoué la tête. Elle n’a pas souri. Elle a dit : « Ce serait barbant, de tout savoir. Il faut renoncer à tous ces machins si on doit traînailler par ici.
— Alors, tu savais tout, avant ? »
Elle a froncé le nez. « Comme tout le monde. Je te l’ai dit. Savoir comment les choses fonctionnent a rien de spécial. Et faut vraiment renoncer à tout si on veut jouer.
— Jouer à quoi ?
— À ça », a-t-elle répondu. Elle a englobé d’un geste la maison, le ciel, l’impossible pleine lune et les écheveaux, les écharpes et les constellations d’étoiles vives.
J’aurais voulu savoir ce qu’elle voulait dire. On aurait cru qu’elle parlait d’un rêve que nous avions partagé. Pendant un instant, il a été si proche dans ma tête que j’aurais presque pu le toucher.
« Tu dois avoir drôlement faim », a dit Lettie, et l’instant s’est brisé, et oui, j’avais drôlement faim, et la fringale s’est emparée de ma tête et a avalé les vestiges de mes rêves.
Il y avait une assiette qui m’attendait à ma place à table dans l’énorme cuisine de la ferme. Dedans était disposée une portion de hachis parmentier, la purée d’un brun doré sur le dessus, le hachis, les légumes et la sauce au-dessous. Manger en dehors de chez moi m’intimidait, je craignais d’être tenté de laisser de la nourriture si je ne l’aimais pas et de me faire gronder, ou d’être obligé de rester à table et de l’avaler par portions minuscules jusqu’à ce qu’il n’en reste plus, comme ça m’arrivait à l’école, mais chez les Hempstock la nourriture était toujours parfaite. Elle ne me faisait pas peur.
Ginnie Hempstock était là, s’activant dans son tablier, rondelette et accueillante. J’ai mangé sans parler, tête baissée, enfournant dans ma bouche cette nourriture bienvenue. La femme et la fillette dialoguaient à voix basse, sur un ton pressant.
« Elles vont pas tarder à arriver ici, a dit Lettie. Elles sont pas idiotes. Et elles s’en iront pas tant qu’elles se seront pas emparées du dernier petit bout de ce qu’elles sont venues chercher. »
Sa mère a reniflé avec dédain. Ses joues rouges étaient avivées par la chaleur du feu de la cuisine. « Balivernes, a-t-elle dit. Elles sont toutes que de la gueule, voilà. »
Je n’avais jamais entendu l’expression auparavant, et j’ai cru qu’elle nous disait que les créatures n’étaient que des gueules et rien d’autre. Il ne paraissait pas invraisemblable que les ombres soient seulement des bouches, en vérité. Je les avais vues engloutir la créature grise qui s’était appelée Ursula Monkton.
Ma grand-mère m’enguirlandait quand je mangeais comme une bête sauvage. « Tu dois essen, manger, me disait-elle, comme une personne, pas comme un chazzer, un cochon. Quand les animaux mangent, ils fressen. Les gens essen. Mange comme une personne. » Fressen : voilà comment les oiseaux voraces s’étaient emparés d’Ursula Monkton et ce serait également ainsi, je n’en doutais pas, qu’ils me dévoreraient.
« J’en ai jamais vu autant, a dit Lettie. Lorsqu’elles venaient ici, dans le temps, il y en avait juste une poignée. »
Ginnie m’a versé un verre d’eau. « C’est de ta faute, a-t-elle dit à Lettie. Tu as placé des signaux, et tu les as appelées. C’est comme si tu avais sonné la cloche du dîner, voilà. C’est pas surprenant qu’elles soient toutes venues.
— Je voulais juste m’assurer qu’elle s’en irait, elle.
— Les puces », a maugréé Ginnie et elle a secoué la tête. « Elles sont comme des poulets qui s’échappent du poulailler, et qui sont si fiers d’eux et si bouffis d’orgueil de pouvoir manger tous les vers, les scarabées et les chenilles qu’ils veulent, qu’ils pensent jamais aux renards. » Elle a remué la crème qui cuisait sur le fourneau, avec une longue cuillère en bois et de grands mouvements irrités. « Enfin, bon, on a des renards à présent. Et on va tous les renvoyer chez eux ; comme on l’a fait les dernières fois qu’ils sont venus renifler partout. On l’a déjà fait, oui ou non ?
— Pas exactement, a répondu Lettie. Soit on renvoyait la puce chez elle, et les vermines avaient plus aucune raison de s’attarder, comme pour la puce dans la cave, au temps de Cromwell. Soit les vermines venaient, prenaient ce pour quoi elles étaient venues et ensuite, elles s’en allaient. Comme avec la grosse puce qui exauçait les rêves des gens, au temps de Rufus le Roux. Elles l’ont prise et elles ont levé le camp. On a jamais dû se débarrasser d’elles, avant. »
Sa mère a haussé les épaules. « Tout ça revient au même. On va simplement les renvoyer d’où elles viennent.
— Et d’où est-ce qu’elles viennent ? » a demandé Lettie.
J’avais ralenti, à présent, et je faisais durer les dernières bouchées de mon hachis parmentier le plus longtemps possible, les poussant lentement autour de mon assiette avec ma fourchette.
« Ça a pas d’importance, a dit Ginnie. Elles finissent toujours par repartir. Sans doute parce qu’elles se lassent d’attendre.
— J’ai essayé de les houspiller, a expliqué Lettie sur un ton pragmatique. Impossible d’avoir des résultats. Je les ai retenues avec un dôme de protection, mais il aurait plus duré tellement longtemps. On est tranquilles, ici, évidemment – rien peut entrer dans la ferme sans notre accord.
— Entrer ou sortir », a précisé Ginnie. Elle a débarrassé mon assiette vide, l’a remplacée par un bol contenant une tranche fumante de pudding aux fruits confits avec une épaisse crème anglaise jaune versée par-dessus.
Je l’ai mangée avec joie.
L’enfance ne me manque pas, mais me manque cette façon que j’avais de prendre plaisir aux petites choses, alors même que de plus vastes s’effondraient. Je ne pouvais pas contrôler le monde où je vivais, garder mes distances avec les choses, les gens ou les moments qui faisaient mal, mais je puisais de la joie dans les choses qui me rendaient heureux. La crème anglaise était sucrée et onctueuse dans ma bouche, les groseilles noires du pudding, acidulées dans l’épaisseur molle et fade du gâteau. Peut-être que je mourrais cette nuit-là, peut-être que je ne rentrerais jamais chez moi, mais c’était un bon repas, et j’avais foi en Lettie Hempstock.
Le monde extérieur à la cuisine attendait toujours. Le chat couleur de brouillard des Hempstock – je ne crois pas avoir jamais su son nom – a traversé la cuisine sur des pattes de velours. Ce qui m’a rappelé…
« Madame Hempstock ? La petite chatte est toujours là ? Le chaton noir avec l’oreille blanche ?
— Pas ce soir, m’a répondu Ginnie Hempstock. Elle se promène. Elle a dormi sur la chaise du vestibule tout l’après-midi. »
J’aurais voulu caresser sa fourrure douce. Je voulais, ai-je compris, lui dire adieu.
« Heu. Je suppose. S’il faut vraiment. Que je meure. Ce soir », ai-je commencé à dire, par saccades, sans très bien savoir où j’allais. Je me préparais à leur demander quelque chose, j’imagine – qu’elles fassent mes adieux à ma maman et à mon papa, ou qu’elles expliquent à ma sœur que ce n’était pas juste qu’il ne lui arrive jamais rien de mal : qu’elle menait une vie bénie, tranquille et protégée, alors que je basculais sans cesse dans les catastrophes. Mais rien ne semblait convenir, et j’ai été soulagé que Ginnie m’interrompe.
« Personne mourra ce soir », a-t-elle déclaré d’un ton ferme. Elle a pris mon bol vide et l’a lavé dans l’évier, puis elle s’est séché les mains sur son tablier. Elle l’a retiré, est allée dans le couloir pour revenir quelques instants plus tard, vêtue d’un simple manteau marron et d’une paire de grandes bottes en caoutchouc vert bouteille.
Lettie paraissait moins assurée que Ginnie. Mais Lettie, en dépit de tout son âge et de sa sagesse, était une fillette, tandis que Ginnie était une adulte, et sa confiance m’a rassuré. J’avais foi en elles deux.
« Où est la vieille Mme Hempstock ? ai-je demandé.
— Elle se repose, a dit Ginnie. Elle est plus aussi jeune que dans le temps.
— Mais quel âge elle a ? » me suis-je enquis, sans attendre de réponse. Ginnie s’est contentée de sourire, et Lettie a haussé les épaules.
Je tenais la main de Lettie quand nous avons quitté la ferme, me promettant que cette fois-ci, je ne la lâcherais pas.